Obtenir ou renoncer, une question d’anxiété
23 mars 2022
Les individus peuvent répondre de manière diamétralement opposée au stress, une étude du PRN-Synapsy montre que la réponse comportementale dépend du niveau d’anxiété et identifie les mécanismes cérébraux impliqués.
Les personnes diffèrent souvent dans leurs réponses au stress. Ces réactions comportementales distinctes pourraient constituer des facteurs de susceptibilités individuels à certains troubles psychiques, comme la dépression. Une équipe de recherche de l’EPFL, membre du Pôle de recherche national suisse Synapsy (PRN-Synapsy), a démontré que la motivation à effectuer un effort soutenu pour atteindre un objectif après une exposition au stress dépend du caractère plus ou moins anxieux des individus. L’étude, effectuée sur des rats, montre que le stress motive les animaux peu anxieux à faire un effort physique, alors qu’il atténue la capacité à produire ce dernier chez les animaux très anxieux. Les mécanismes cellulaires qui sous-tendent ces différences de comportement, à découvrir dans la revue Science Advances, impliquent le récepteur 1 de l’hormone de libération de la corticotrophine (CRHR1) exprimé par les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale, une région cérébrale impliquée dans la régulation de la motivation. L’étude révèle que l’expression de ces récepteurs est directement liée au niveau d’anxiété des rats, avec comme conséquence première la modulation de l’activité neuronale menant à une facilitation ou une atténuation de la motivation. Des résultats qui aident à expliquer les différentes susceptibilités au stress et pourraient servir à une meilleure stratification des patient-es en vue du développement de traitements plus personnalisés contre la dépression.
Contacts
Carmen Sandi
Professeure ordinaire
Brain Mind Institute
Faculté des Sciences de la Vie
EPFL
+41 21 693 95 34
DOI
DOI : 10.1126/sciadv.abj9019
Les individus peuvent répondre de manière diamétralement opposée au stress, une étude du PRN-Synapsy montre que la réponse comportementale dépend du niveau d’anxiété et identifie les mécanismes cérébraux impliqués.
Les personnes diffèrent souvent dans leurs réponses au stress. Ces réactions comportementales distinctes pourraient constituer des facteurs de susceptibilités individuels à certains troubles psychiques, comme la dépression. Une équipe de recherche de l’EPFL, membre du Pôle de recherche national suisse Synapsy (PRN-Synapsy), a démontré que la motivation à effectuer un effort soutenu pour atteindre un objectif après une exposition au stress dépend du caractère plus ou moins anxieux des individus. L’étude, effectuée sur des rats, montre que le stress motive les animaux peu anxieux à faire un effort physique, alors qu’il atténue la capacité à produire ce dernier chez les animaux très anxieux. Les mécanismes cellulaires qui sous-tendent ces différences de comportement, à découvrir dans la revue Science Advances, impliquent le récepteur 1 de l’hormone de libération de la corticotrophine (CRHR1) exprimé par les neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale, une région cérébrale impliquée dans la régulation de la motivation. L’étude révèle que l’expression de ces récepteurs est directement liée au niveau d’anxiété des rats, avec comme conséquence première la modulation de l’activité neuronale menant à une facilitation ou une atténuation de la motivation. Des résultats qui aident à expliquer les différentes susceptibilités au stress et pourraient servir à une meilleure stratification des patient-es en vue du développement de traitements plus personnalisés contre la dépression.
L’exposition au stress active un ensemble de réponses cérébrales et physiologiques naturelles qui orchestrent les changements comportementaux nécessaires pour faire face aux menaces de la vie, comme la fuite ou le combat face à un agresseur potentiel. L’exposition à des situations de stress intenses ou répétées peut néanmoins avoir des effets sournois et déclencher des troubles psychiques caractérisés par une altération de la motivation, notamment la dépression.
Les études portant sur la motivation après une exposition au stress ont jusqu’ici obtenu des résultats contradictoires : certaines rapportent que le stress entraine une baisse de motivation alors que d’autres font état d’une amélioration des performances. Carmen Sandi, neuroscientifique à l’institut Brain and Mind de l’EPFL et son équipe de recherche ont tenté de déterminer si ces résultats opposés pouvaient être dû à des variabilités individuelles. Comme l’anxiété, en tant que trait de personnalité, s’est révélée être un modérateur clé des effets du stress aigu sur l’apprentissage et les comportements sociaux, son laboratoire a mené une étude pour déterminer si elle pouvait favoriser ou défavoriser la motivation sous stress.
L’anxiété influence la motivation
Les rats, comme les humains, ont des traits de personnalité plus ou moins anxieux. « Nous-nous sommes basés sur cette variation naturelle pour sélectionner une population de rats très anxieuse et une autre peu anxieuse », indique Carmen Sandi. Les chercheurs et chercheuses de l’EPFL ont d’abord entrainé ces deux populations de rats à appuyer sur un levier pour obtenir une récompense alimentaire. Puis, en déposant les animaux un quart d’heure sur une plateforme surélevée, ils ont induit un stress chez l’animal. Immédiatement après, la motivation des rongeurs à l’effort a été testée avec la tâche du levier en élevant cette fois sa résistance à chaque essai. La capacité des rats très anxieux à maintenir une performance régulière était considérablement plus faible que celle des rats moins anxieux.
Les mécanismes de la volonté
Fort de ces nouvelles connaissances, les neuroscientifiques ont ensuite investi les mécanismes sous-jacents. Des analyses génétiques révèlent que l’expression du récepteur CRHR1 est différente entre les deux populations de rats, il est plus élevé chez les rats non anxieux. Ce récepteur est activé quand les animaux sont exposés au stress et influence l’activité des neurones dopaminergiques de l’aire tegmentale ventrale. Les niveaux plus élevés de CRHR1 chez les rats peu anxieux expliquent donc pourquoi leurs performances sont meilleures après une exposition au stress.
Pour s’en assurer, les chercheurs ont utilisé des stratégies génétiques et pharmacologiques pour « jouer » avec le niveau d’expression, mais aussi l’inhibition et l’activation, de ce récepteur. Ces manipulations expérimentales, effectuées chez le rat et la souris, se corroborent toutes, comme l’indique Ioannis Zalachoras, post-doctorant à l’EPFL et coauteur de l’étude : « la motivation sous stress va dans des directions opposées chez les individus, selon leur niveau d’anxiété ».
Tenir compte de la diversité
Ainsi, la diversité des personnalités, en considérant l’anxiété comme un trait de caractère, reflèterait la diversité des comportements, représentés dans cette étude par la volonté. « Les sciences de la vie avaient jusqu’ici tendance à éluder la question de la diversité, notamment celle liée aux genres. Au-delà de son but premier, notre étude est également un moyen d’investir la question de la diversité », précise Carmen Sandi.
Ces résultats sont également prometteurs pour traiter la dépression. Le récepteur CRHR1 a en effet fait l’objet de beaucoup d’étude pour développer des traitements médicamenteux. Devant le manque d’efficacité et la variabilité des résultats obtenus, aucune molécule n’a été amenée à ce jour au stade des études cliniques chez l’humain. « Nos résultats montrent qu’il faut prendre en compte les traits individuels d’anxiété pour avoir une meilleure interprétation des performances comportementales. Cela aidera certainement à développer des essais cliniques plus focalisés sur le profil génétique et la variabilité des personnalités en matière d’anxiété, augmentant de facto leurs chances de succès », conclut Carmen-Sandi.
Figure: Les neurones dopaminergiques de rats peu anxieux (LA) présentent une plus forte expression du récepteur 1 de l’hormone de libération de la corticotrophine (CRHR1, points rouges) dans l’aire tegmentale ventrale du cerveau, par rapport aux rats présentant une forte anxiété (HA). Les neurones dopaminergiques sont représentés en vert et les noyaux de toutes les cellules neurales en bleu. ©SANDI/EPFL
Contacts
Carmen Sandi
Professeure ordinaire
Brain Mind Institute
Faculté des Sciences de la Vie
EPFL
+41 21 693 95 34
DOI
DOI : 10.1126/sciadv.abj9019